Apprentissage : la vérité des prix

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Dans un communiqué du 4 février dernier, le ministère du travail s’est félicité de la hausse de 16 % du nombre d’apprentis. Les régions ont communiqué sur le même sujet et leur constat est beaucoup plus nuancé. Qu’en est-il réellement ?
 
Une hausse globale ?
 
485 800, c’est le nombre d’apprentis recensés fin 2019. C’est une hausse de près de 50 000 par rapport à l’année 2018.
Le ministère met en avant une hausse historique à deux chiffres. Il s’octroie, par la même occasion, le bénéfice de cette progression en l’attribuant à la loi du 5 septembre 2018.
Certes, les effets de la loi « choisir son avenir professionnel » sont avérés mais la réalité est bien plus complexe. 
La libéralisation du marché de la formation a surtout entraîné l’inflation des demandes d’ouverture de CFA. On dénombre donc 554 demandes (dont 200 déjà réalisées) de branches professionnelles, d’organismes de formation ou d’entreprises. Elles viennent s’ajouter aux 965 CFA déjà existant.
L’offre de formation se développe mais ne respecte pas le maillage territorial. Elle n’a pour horizon que la signature de contrats dans des secteurs rentables voire lucratifs. 
 
Des chiffres en trompe l’œil concernant le lycée professionnel
 
La hausse continue à être tirée par l’enseignement supérieur. Le financement de l’apprentissage n’est d’ailleurs plus soumis à un plafonnement concernant les formations post-bac. Cette voie de formation, déjà bien installée, continue sa progression. L’offre semble plutôt adaptée à la demande et trouve son public.
Le « redémarrage » annoncé dans le secondaire sur les niveaux CAP/Bac pro concernent essentiellement des voies de formation très spécialisées.
En effet, si les demandes ont augmenté de 40 % en deux ans, les affectations sont surtout à mettre au crédit des Compagnons du Devoir (+ 37%), des maisons familiales rurales (+ 15%) et des chambres des métiers.
La progression est beaucoup plus mesurée dans les autres centres de formation.
On est donc bien loin des chiffres avancés par le ministère concernant le secondaire…

La négation du rôle des régions
 
Les régions ont été largement écartées du marché de la formation et de la compétence apprentissage au profit des branches professionnelles.
Elles gardent néanmoins un rôle dans le financement (accueil des apprentis, plateaux techniques dans les établissements). 
D’ailleurs, l’association des régions de France a mis l’accent sur la « saine situation des CFA ». Les régions ont notamment laissé entre 45 jours et 4 mois de reliquat de taxe d’apprentissage aux CFA pour la dernière année.
L’investissement sur les 5 dernières années se chiffre à près de 9 milliards d’euros.
Le financement de l’apprentissage, désormais assuré par France Compétences, est aujourd’hui sujet à interrogations. Des craintes se font entendre quant au déficit prévisionnel de cette agence de régulation...
Mais au-delà de l’aspect financier, les régions avaient en charge cette compétence jusqu’au 31 décembre 2019.
Il est donc évident que la progression du nombre d’apprentis est essentiellement due à leur action.
 
L’avis du SE-Unsa :
Le ministère du travail s’emploie à développer sa communication sans tenir comptes des réalités de terrain.
L’apprentissage ne se décrète pas, en particulier pour les formations infra-bac.
Pour le SE-Unsa, la formation par apprentissage ne peut-être qu’un complément à la formation initiale sous statut scolaire, souvent plus adaptée au profil des élèves de la voie professionnelle.
Le ministère du travail a « ouvert les vannes » en libéralisant le marché de la formation.
Cette vision n’est pas la nôtre et ne correspond pas aux exigences du service public qui s’attache à l’insertion professionnelle des jeunes, à leur épanouissement et à l’équilibre des territoires.
Le rôle des personnels est essentiel. La garantie de leurs conditions de travail dans cette nouvelle configuration est une condition sine qua non de la qualité des formations et de la réussite des jeunes.