Groupes au collège : quelques avancées dans un océan de compromis

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La note de service* encadrant les mesures du Choc des savoirs est parue le lundi 18 mars 2024. Elle précise notamment les modalités d’organisation de l’enseignement du français et des mathématiques par groupes en 6e et en 5e, à compter de la prochaine rentrée. Si le texte apporte plus de souplesse au projet initial, ce que le SE-Unsa réclamait, il ne réduit malheureusement pas les difficultés d’organisation que l’annonce de ces groupes a engendrées au sein des établissements.
 
 
Fin des groupes de niveau : une victoire idéologique
 
Les groupes de niveau constituaient la mesure la plus contestée du Choc des savoirs initié par Gabriel Attal, car elle modifiait en profondeur la philosophie du collège unique et de son corollaire, l’égalité des droits. Tri social, séparatisme, stigmatisation des élèves les plus faibles…
 
Les nombreux arguments du SE-Unsa ont été entendus par la ministre de l’Éducation nationale. Le mot niveau a disparu de la note de service, n’en déplaise au Premier ministre. Dépourvus de ce complément du nom dérangeant, les groupes sont désormais constitués en tenant compte des besoins spécifiques de chaque élève, et non plus à partir d’un niveau établi par des résultats d’évaluations. Le texte a donc transformé les groupes de niveau en groupes tout court. Par conséquent, les enseignants ont la possibilité de constituer des groupes de besoin, et contrairement aux propos de la ministre, il ne s’agit pas uniquement de sémantique : ces groupes de besoin n’ont pas vocation à être homogènes, et cela fait toute la différence.
Même si le fantôme des groupes de niveau chers à Gabriel Attal apparaît dans la phrase les groupes qui comportent un nombre important d’élèves en difficulté sont en effectifs réduits, il revient bien aux équipes pédagogiques, dont l’expertise est reconnue, de constituer ces groupes comme ils l’estiment pertinent.
 
 
La dérogation : une souplesse bienvenue mais tardive et insuffisante
 
Autre coup porté aux groupes de niveau qui auraient mis fin à l’hétérogénéité : le principe de dérogation à l’organisation des enseignements de mathématiques et de français en groupes. La note de service prévoit, pour les établissements qui le souhaitent, une dérogation à cette organisation générale : les élèves, à des périodes de l’année qui ne doivent pas excéder dix semaines au total, peuvent être rassemblés au sein de la classe de référence, comme dans les autres disciplines. Le travail en groupes n’a de sens que si l’on peut mesurer les progrès des élèves au sein de la classe de référence, en français comme en mathématiques. Le texte le permet, mais se fait l’écho des propos du Premier ministre en précisant que ces périodes doivent être l’exception : elles sont donc limitées à dix semaines dans l’année scolaire.
 
Le SE-Unsa déplore ce bornage qui restreint la liberté pédagogique des enseignants. Par ailleurs, la plupart des collèges ont déjà organisé l’année prochaine avant la parution tardive de la note de service, sur la foi d’annonces qui imposaient alors des groupes de niveau et une organisation des enseignements de français et de mathématiques en groupes sur la totalité du volume horaire de ces disciplines, sans dérogation. Leur permettre de revenir sur cette organisation est impératif.
 
 
L’avis du SE-Unsa
 
Cette note de service était aussi attendue que redoutée. Elle lève une partie de nos craintes en supprimant le terme niveau qui n’était pas acceptable idéologiquement. Elle rend une partie de leur liberté aux établissements et à leurs équipes en concédant une dérogation à l’organisation imposée. Cependant, elle ne résout pas les difficultés d’organisation rencontrées, les accentuant même par un retour en arrière possible mais qui sera difficile à enclencher dans la plupart des collèges qui ont déjà acté leur organisation de la rentrée prochaine. Du temps doit donc leur être accordé afin qu’ils ne soient pas contraints d’adopter une organisation « par défaut ». Deux demi-journées banalisées ne suffiront pas !
 
Les alignements des cours de français et de mathématiques exigés par le ministère, afin de pouvoir constituer des groupes d’élèves issus de différentes classes, ne permettront pas des emplois du temps conciliants, pour les élèves comme pour les enseignants.
 
Les contenus pédagogiques nécessitent davantage que l’exemple unique proposé dans la note de service, et encore une fois il faudra du temps aux équipes pour élaborer des progressions et évaluations communes, pour constituer et faire évoluer les groupes, hors du conseil de classe qui n’est pas l’instance adaptée à cette tâche, confiée à la seule expertise des enseignants. 
 
Le SE-Unsa reste opposé à l’ensemble des mesures du Choc des savoirs et à leurs conséquences néfastes pour l’École.