Emilie, professeur documentaliste dans un collège REP de l'académie de Lille, a mis en place « Silence on lit ! », un dispositif soutenu par l’association du même nom, en février 2018. En quoi consiste ce dispositif, et quelles conséquences a t-il sur la vie de l'établissement? Elle répond ici aux questions du SE-Unsa.
L'opération est-elle mise en place toute l'année ou sur une période plus limitée ? Concerne-t-elle tous les élèves ?
On a mis en place le dispositif « Silence on lit !» toute l’année. Il concerne tous les élèves et l’ensemble du personnel, même les personnes extérieures comme l’écrivain qui vient au collège ou le conteur. Il est important de noter que cette activité est partagée (ce n’est pas un travail scolaire comme un autre) et la posture de lecteur est importante pour les élèves.
Est-ce que tous les types de lecture sont autorisés ?
“Silence on lit !” est de la lecture-plaisir. Lire est obligatoire mais on lit le livre que l’on veut. Dans l’idéal, les périodiques ne sont pas acceptés car on privilégie la lecture suivie pour que les élèves prendre l’habitude de lire. Cependant, cette année, nous avons assoupli le dispositif car certains élèves ont de grandes difficultés de lecture. Il leur faut donc des textes courts.
Beaucoup de collègues se demandent comment organiser l'opération par rapport aux heures d'enseignement. Quelle solution avez-vous trouvée ?
Le créneau de lecture est placé le matin. Par conséquent, 3 minutes de chaque cours de la matinée ont été enlevées (4x3 = 12 minutes)
Quels sont les réticences, les points de crispation que vous avez-pu rencontrer ? Comment les avez-vous levés ?
Le problème principal est la crainte de certains collègues d’avoir du “temps de travail” supplémentaire et des heures de cours en moins...
Il est nécessaire que l’équipe de direction soit porteur du projet. Le professeur-documentaliste ne doit pas mener le projet seul. C’est beaucoup trop lourd. Les conseils réguliers de l’association “Silence, on lit !” face aux différents problèmes posés sont appréciables.
Quelle incidence a eu l'opération sur le CDI (emprunts, fréquentation ?)
Le nombre d’emprunts a explosé. En 2017, avant le lancement de l’opération, le CDI enregistrait 1428 prêts pour 270 élèves emprunteurs. En 2018, grâce à « Silence on lit », nous sommes passés à 4578 prêts pour 575 élèves emprunteurs. En 2019, les chiffres ont encore explosé avec 885 élèves emprunteurs et 8211 prêts.
De très nombreux élèves (plus de 50 voire 100 le lundi matin...) viennent lors des récréations pour emprunter. Mais le contexte de notre collège est particulier car il n’y a pas de médiathèque dans la ville et le public est très défavorisé. Ceci occasionne un gros travail de gestion...
Quels aménagements as-tu mis en place pour gérer la fréquentation ?
J’ai instauré des assistants CDI : des élèves volontaires qui aident les élèves à choisir des livres au CDI et aider à enregistrer les prêts (certains ont été formés à BCDI) durant les récréations. Des élèves viennent aussi sur leur temps libre pour enregistrer les retours ou pour recouvrir les livres. J’ai une très bonne équipe d’une dizaine d’élèves.
J’ai fait la demande d’un service civique pour l’année prochaine pour aider au travail de gestion (j’ai demandé l’aide d’assistants d’éducation cette année mais...).
Enfin, nous avons classé les livres par thèmes dans différents présentoirs selon les goûts des élèves : amitié, animaux, guerres mondiales, histoires d’amour, sport... pour faciliter le choix de livres.
Quel est le budget de ton CDI ? As-tu pu obtenir une augmentation de ton budget ?
J’ai 2000 € de budget. Le budget du CDI n’a pas du tout augmenté. Par conséquent, pour faire face à la demande, il a fallu arrêter tous les abonnements et faire un appel aux dons. Notre nombre de livres a également augmenté grâce à la médiathèque départementale : nous pouvions emprunter un maximum de 300 ouvrages, mais nous sommes passés maintenant à un prêt illimité. De plus, un reportage télé de France 2 sur « Silence on lit » dans notre collège nous a permis de recevoir ensuite un grand nombre de dons.
Avez-vous pu déjà constater des effets sur les élèves, voire sur les collègues ?
On constate que les élèves ont envie de lire davantage et que leur concentration est meilleure dans l’heure qui suit.
Pour les collègues, certains qui étaient réticents demandent maintenant aux élèves de lire quand ils ont terminé un travail avant les autres... mais il reste des professeurs opposés sans raison apparente ou parce qu’ils n’aiment pas lire eux-même !
Si tu avais un conseil à donner aux collègues qui veulent se lancer dans l'aventure, ce serait ... ?
Ne pas se lancer seul et avoir l’appui de la direction !
>> Association « Silence on lit ! » : https://www.silenceonlit.com/