Les 30 minutes d’activité physique quotidienne (APQ) en complément de l’EPS, généralisées dans toutes les écoles à la rentrée 2022, font l’objet d’un rapport d’information rédigé par les sénatrices Béatrice Gosselin et Laure Darcos. Ses conclusions sont loin de rejoindre celles du ministère concernant la mise en œuvre du dispositif et son efficacité.
Loin de la généralisation annoncée
Les chiffres déroulés par le rapport illustrent le décalage habituel entre l’enthousiasme présidentiel et la réalité dans les écoles : 42 % des écoles primaires mettent en œuvre de manière certaine l’APQ, bien loin des 90 % annoncés par le ministère.
Autre désillusion : la dotation des écoles en kit sportifs pour les aider à la mise en œuvre de l’APQ. Alors que le ministère avait promis un kit par école avant la fin de l’année 2023, la livraison a accusé un retard important. À titre d’exemple, en mai 2024, seulement 62 % des écoles de l’Essonne avaient reçu le kit. Pour les écoles abondées, se pose la question de l’utilité du matériel qui, pour certaines d’entre elles, n’est pas utile lorsqu’il fait doublon avec celui distribué par les communes. Pour d’autres, il est insuffisant et sa durée de vie est limitée, du fait d’une utilisation quotidienne par l’ensemble des élèves d’une école.
Un objectif flou qui entretient la confusion
À l’aune des JOP de Paris 2024, le président de la République avait annoncé vouloir faire de la France une nation sportive. Les 30 minutes d’APQ devaient y contribuer. Or l’APQ repose avant tout sur le constat alarmant de l’OMS qu’en France un enfant sur trois est en surpoids, proportion qui devrait passer à un sur deux dans les dix années à venir si la tendance actuelle n’évolue pas. En lieu et place d’une nation sportive, c’est donc une nation en bonne santé que l’APQ doit participer à construire.
Par ailleurs, les propos présidentiels n’ont fait qu’accentuer la confusion déjà bien établie entre activités physiques, activités sportives et EPS. Le rapport rappelle avec pertinence que les activités physiques, à la différence des activités sportives, visent une dépense d’énergie à travers des exercices facilement réalisables qui ne nécessitent ni infrastructures, ni matériels ou tenues particuliers. Les activités sportives, quant à elles, s’inscrivent dans le cadre de disciplines régies par des règles. Enfin, l’EPS est une discipline obligatoire avec des apprentissages à maîtriser et un horaire dédié. Les activités sportives tout comme l’EPS constituent des activités physiques, mais l’inverse n’est pas vrai.
Enfin, le copilotage de l’APQ par le ministère de l’Éducation et celui des Sports entretient également la confusion : le ministère des Sports n’a pas été associé à la première enquête d’évaluation du dispositif et son rôle s’est réduit au financement des kits sportifs.
Pour les élèves, un bilan mitigé
À ce jour, aucune étude de santé publique n’a mesuré l’impact du dispositif sur la sédentarité des élèves. 51,8 % des directeurs répondants indiquent ne constater aucun effet positif sur les apprentissages. Pour les 48,2 % qui y voient un effet positif, 41,5 % le voient directement sur les apprentissages et 6,7 % estiment que ses effets sont indirects.
Quel avenir pour le dispositif ?
La première des 6 recommandations formulées par le rapport est de renommer le dispositif pour le rendre plus lisible. Les rapporteurs proposent des pauses actives et de bien-être (Pabe), nom qui a le mérite d’évacuer la confusion entre APQ et EPS. L’adjectif quotidienne a également semé le trouble chez les enseignants : beaucoup pensent qu’ils doivent s’acquitter des 30 minutes chaque jour, en plus des trois heures d’EPS. Or l’un des exemples de répartition hebdomadaire des APQ proposés par le site Éduscol montre que ce n’est pas le cas : sur 5 journées, 4 peuvent proposer une séance de 45 minutes d’EPS, et la cinquième de l’APQ.
Le rapport préconise également de renforcer l’accompagnement des enseignants et d’intégrer l’APQ dans le temps périscolaire. 1 école sur 4 indique avoir été accompagnée dans la mise en œuvre de l’APQ et les guides académiques d’accompagnement ne sont pas généralisés.
Enfin, il est essentiel que les cours de récréation soient aménagées, alors que 7,5 millions d’euros consacrés au cours d’écoles actives et sportives portées par le plan 5 000 équipements-Génération 2024 ont été annulés en février 2024, dans le cadre des 10 milliards d’économies annoncées par le gouvernement.
L’avis du SE-Unsa
Si le SE-Unsa estime que la réaction provoquée par le constat alarmant de l’OMS est légitime et nécessaire, il continue de penser, à la lumière de ce rapport, que l’APQ ne peut à elle seule répondre à cet enjeu de santé publique.
La mise en œuvre du dispositif, bien que généralisée à toutes les écoles, demeure contraignante pour les directeurs et les professeurs des écoles. Renommer le dispositif pour mieux l’identifier et le différencier de l’EPS ne sera pas suffisant : les 3 h d’EPS hebdomadaires, enseignement obligatoire, répondent à l’objectif de l’APQ mais encore faut-il qu’elles puissent être effectuées et réparties sur la semaine de cours.
Sur le temps périscolaire, le sport scolaire a un rôle majeur à jouer : l’Usep, dont le SE-Unsa continue de revendiquer le déploiement dans toutes les écoles, a l’expertise et les moyens nécessaires à une mise en œuvre qualitative de l’APQ. La formation initiale des professeurs des écoles doit donner une place plus importante à l’EPS (actuellement 30 à 40 h sur deux ans), afin de leur permettre de mettre en place cet enseignement fondamental pour les élèves, bien plus pérenne qu’un dispositif superficiel et précaire mal identifié, mal compris et trop souvent subi.