Le 6 février, les campus d'excellence ont été lancés en grande pompe par 4 ministres. C'est la énième tentative de revalorisation de la voie professionnelle.
Ces "Harvard du pro" permettront-ils vraiment d'améliorer l'attractivité des LP ?
Paroles, paroles,…
Près de 700 000 élèves suivent actuellement un parcours scolaire menant à un CAP ou un bac professionnel. Leur insertion professionnelle reste toutefois assez faible : 51% des titulaires d'un CAP et 34% des bacheliers professionnels sont au chômage sept mois après l'obtention de leur diplôme.
C’est une voie de formation importante qui souffre encore d’une image souvent négative.
Déjà en 2008, le bac pro 3 ans était censé "changer le discours" du grand public sur l’enseignement professionnel, pour « lui conférer la même dignité qu'au bac général et au bac technologique ».
Plus de 10 ans après, Jean‑Michel Blanquer reprend ce mot d’ordre, preuve que la valorisation de la voie professionnelle ne reste qu’une formule creuse qui ne se traduit pas dans les faits.
En effet, au lycée, si le nombre d’élèves qui suivent un cursus technologique ou professionnel est sensiblement égal au nombre de jeunes qui suivent un cursus général, les filières générales sont toujours privilégiées.
Mais, comme le constatait le chercheur Aziz Jellab dans un ouvrage publié en 2017 :
« Il est pour le moins paradoxal de constater que le renforcement de la massification scolaire, avec le développement des filières, renvoie un peu plus les lycées professionnels dans leur statut “d’auxiliaires de défaillance” de l’école, sorte de “roue de secours” pour des élèves “inadaptés” à la voie générale. »
Pourtant, après une scolarité parfois chaotique en collège, c’est aussi au lycée professionnel que les jeunes peuvent s’épanouir et trouver leur voie jusqu’à devenir des professionnels reconnus.
Un coup de com’ ?
Il convient de prendre ces premiers « campus des métiers et des qualifications d’excellence » pour ce qu’ils sont, à savoir une vitrine. Cela concernera peu d’élèves mais ce dispositif aura au moins le mérite de braquer les projecteurs sur la voie pro.
Les 80 "campus des métiers" existent déjà depuis 2013 mais ils pâtissent d'un manque de visibilité. En labellisant des campus "d'excellence", qui vont réunir à l'échelle d'une région des lycées professionnels, des centres d'apprentissage et des universités, le gouvernement espère pouvoir faire rayonner la voie professionnelle.
Bien entendu, tous ces campus ne pourront se prévaloir de l’attractivité et de l’image d’un campus comme Blagnac qui obtient le label des métiers de la filière aéronautique et spatiale. Mais certains réussiront probablement à sortir leur épingle du jeu.
La communication autour des campus ne doit pas faire oublier l'essentiel : l’indispensable augmentation du niveau de qualification des bacheliers profesionnels.
Elle passera par une offre de formation plus étoffée et plus adaptée. La volonté d’implanter des BTS en lycée professionnel, pour faciliter l’articulation avec les études post bac, va d'ailleurs dans ce sens.
L’avis du SE-Unsa
Nous avons de sérieuses réserves sur l’efficience d'un dispositif qui bénéficiera à peu d'élèves.
Nous considérons néanmoins que tout ce qui peut permettre de donner un coup de projecteur sur cette voie, qui pâtit d'un déficit d'image, est positif.
Au-delà de ces vitrines, des moyens devront être octroyés à l’ensemble de la voie professionnelle.
Le SE-Unsa revendique que le travail des personnels soit reconnu à sa juste valeur. Les enseignants sont les principaux vecteurs de la réussite des élèves. Leur investissement dans un contexte difficile et exigeant de réforme de la voie pro doit être valorisé !