Deux heures supplémentaires de sport au collège : un nouveau dispositif qui interroge

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Les contours de l’expérimentation initiée par le MENJS des 2 h de sport supplémentaires au collège sont désormais connus et dessinés dans le BO n° 32 du 1er septembre 2022. À la lecture du texte, ce dispositif pose question quant à son utilité, son organisation et sa finalité.
 
 
Des intentions louables…
 
Partant du constat d’un décrochage de la pratique sportive des collégiens, notamment des filles et des élèves à besoins particuliers, au cours du cycle 4, le ministère lance, en cette rentrée, une expérimentation intitulée Deux heures supplémentaires de sport au collège. Il s’agit, pour les collèges volontaires, d’organiser des créneaux horaires permettant aux élèves volontaires de participer aux activités physiques et sportives proposées par les clubs et associations sportives et/ou socio-sportives de leur territoire. Le ministère affiche ainsi sa volonté d’inclure tous les élèves et de lutter contre les préjugés et les représentations, notamment sexistes. 3 à 7 collèges par académie, à raison d’un département par académie, seront concernés par cette expérimentation, dont l’objectif est de faciliter l’accès des élèves volontaires aux clubs sportifs de leur territoire sur le temps périscolaire.
 
 
… mais une mise en œuvre lourde et complexe ainsi qu’une redéfinition contestable de la fonction de professeur d’EPS
 
Les chefs d’établissement garantissent jusqu’à 2 h d’activité physique et sportive hebdomadaires aux élèves volontaires, sur des temps identifiés. Ces créneaux horaires ne peuvent toutefois être alternatifs à un enseignement optionnel. Les activités physiques et sportives sont assurées par les partenaires sportifs, qui sont considérés dans ce cas comme organisateurs et responsables des activités. Les professeur·es d’EPS volontaires sont associés à la réflexion générale du dispositif, qui se veut complémentaire de l’enseignement de l’EPS. Si les PEPS interviennent dans les activités proposées par les clubs et associations, ils seront alors rémunérés au titre du cumul d’activités.
 
Les activités se déroulent soit dans les installations des établissements en dehors des heures de pratique scolaire EPS et de l’association sportive (AS), soit en dehors de l’établissement (extérieur, installations dédiées des collectivités territoriales, des clubs ou des AS), avec la nécessité d’un déplacement limité. La gratuité de l’opération ou, à défaut, son coût modéré, sont recherchés.
 
Les chefs d’établissement communiquent aux acteurs sportifs locaux les créneaux horaires disponibles dans les emplois du temps des élèves ainsi que, le cas échéant, des installations pour mettre en œuvre ce dispositif. Il revient également aux chefs d’établissement de promouvoir et de diffuser ce dispositif auprès des élèves et des familles. Des conventions sont signées entre l’établissement et les structures partenaires (DRAJES, SDJES).
 
Concernant le calendrier des opérations, la carte des collèges expérimentateurs sera établie à l’automne 2022, pour une mise en œuvre attendue après les vacances de Toussaint 2022. Cette mise en œuvre pourra être progressive selon le contexte des établissements (par exemple sur un seul niveau cette année, pour une extension à l’ensemble des niveaux à la rentrée 2023).
 
 
L’avis du SE-Unsa
 
> Du sport mais pas de l’EPS
Pour le SE-Unsa, le rôle de l’école, mais aussi des associations sportives (AS) n’est pas de faire faire du sport aux élèves, mais de les éduquer par le sport. C’est le sens et l’essence même de l’existence de l’éducation physique et sportive (EPS). Ces deux heures proposées par le ministère ne sont donc pas deux heures supplémentaires de sport à proprement parler, mais bien deux heures de sport en plus des heures d’EPS et d’AS préexistantes.
 
> Animateur sportif, pas prof d’EPS
Pour le SE-Unsa, ce nouveau dispositif est une nouvelle illustration de la confusion désormais établie entre sport et EPS, animateur sportif et professeur d’EPS. Le texte insiste sur le fait que les activités proposées doivent être en lien avec le projet EPS, mais comment ce lien est-il possible si le dispositif est mené par des acteurs extérieurs ? Par ailleurs, des cumuls d’emplois sont indiqués pour les professeurs d’EPS qui voudraient se charger de ces temps et être rémunérés par les clubs au risque de continuer à brouiller les pistes des responsabilités et des objectifs respectifs.
Nous sommes en droit de nous interroger sur la vision du métier proposée par le ministère.
 
> Maintenir la place de l’UNSS
Ouvrir les installations sportives des établissements à des intervenants extérieurs n’est pas dérangeant en soi, à condition de maintenir l’offre qualitative déjà assurée par les fédérations du sport scolaire, en l’occurrence l’UNSS au collège, ce que rien ne garantit. Le SE-Unsa s’était déjà ému de ce risque de dérive dans le premier degré lorsque le texte de loi sur la démocratisation du sport a mis en concurrence l’USEP avec des « alliances éducatives » mal définies.
 
> Des inégalités persistantes
Enfin, il n’est pas dit que les élèves en sortent gagnants : le texte prône l’inclusion et l’accès à tous les élèves volontaires, mais seule une poignée d’établissements sera concernée, et seuls ceux en mesure d’offrir un accès à des installations sportives seront sélectionnés. Le texte ne propose rien pour faciliter l’accès aux installations, qui dépendra avant tout des collectivités. Aucun budget n’est évoqué pour construire de nouvelles infrastructures, ou faciliter le transport des élèves. En s’appuyant sur l’existant, on ne pourra pas réduire les inégalités territoriales. De plus, la gratuité pour les élèves n’est pas garantie, et le « coût modéré » préconisé par le ministère ne se traduit pas en chiffres. Cela ne peut que contribuer à creuser les inégalités.
 
Le SE-Unsa sera vigilant aux remontées du terrain et attentif à la mise en œuvre d’un dispositif qui interroge sur la considération portée par le ministère aux professeurs d’EPS, animateurs des associations sportives.
 
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