De nombreux candidats ont évoqué la question du lycée professionnel ; c’est une des singularités de la curieuse campagne qui s’achève. Toutefois, le traitement de ce sujet, s’il dit quelque chose de la place de la formation professionnelle, n’est pas forcément de bon augure. En effet, au-delà du vieux refrain de la « revalorisation » de la voie pro, la tendance peut laisser imaginer un avenir très incertain pour les structures, les personnels et les jeunes.
Un lien renforcé entre lycée pro et insertion pro
Certains candidats de gauche, notamment J.L. Mélenchon ou Y. Jadot, ont mis l’accent sur le lycée professionnel dans le cadre d’une politique globale.
Il s’agissait, en effet, de faire de ces cursus des outils de la transition écologique et de l’augmentation du niveau de qualification des jeunes. Hausse du nombre de places, développement des BTS, allocation pour les bacheliers professionnels, autant de mesures destinées à revaloriser.
Il faut dire qu’ils s’attaquaient là à un chantier ambitieux, tant les réformes ont été empilées depuis quarante ans sans jamais redorer le blason de cette filière qui forme près de 650 000 jeunes. Au-delà des secteurs porteurs comme aide à la personne ou hôtellerie-restauration, de nombreuses autres filières en particulier dans l’industrie peinent à recruter, engendrant de graves pénuries de compétences.
La hausse du niveau de qualification et la poursuite d’études en BTS est un objectif à atteindre afin d’améliorer l’insertion professionnelle. L’égal accès des élèves à ces formations du supérieur est également un enjeu de justice sociale et de démocratisation de l’enseignement supérieur.
La chimère du modèle de l’apprentissage
La plupart des candidats de droite, y compris le président Macron, voit dans l’apprentissage un modèle idéal qu’il faudrait reproduire tel quel au lycée professionnel. Ce serait, d’abord, une manière de désengager progressivement le ministère de l’Éducation de la gestion des lycées professionnel en les confiant aux régions voire au ministère du Travail.
Dans les faits, cela consisterait notamment à réduire considérablement le temps de formation théorique (notamment les enseignements généraux) et augmenter les périodes de formation en milieu professionnel. Cette volonté peut apparaître logique et profitable aux élèves mais c’est une illusion. C’est méconnaître le profil de la majorité des élèves de voie professionnelle qui viennent chercher au lycée plus qu’un savoir-faire. Beaucoup ne sont pas encore assez mûrs pour se plier, sur le long terme, aux règles de l’entreprise, à son environnement. Une immersion progressive leur est bien plus bénéfique.
Par ailleurs, l’accompagnement des enseignants va bien au-delà de la formation théorique et de l’amélioration du geste professionnel. L’École est une ouverture, une construction culturelle et intellectuelle beaucoup plus large.
La perception d’une éventuelle allocation pour ces jeunes peut s’entendre au regard de leurs difficultés mais ne saurait être une fin en soi. L’École doit garder sa vertu émancipatrice, particulièrement pour ces jeunes.
L’avis du SE-Unsa
L’adéquation entre formation et emploi ne pourra pas suffire à combler le déficit d’image dont souffrent les lycées professionnels. L’attractivité est un travail de long terme qui nécessite une politique globale, durable et concertée. Or, les visées court-termistes incitent plutôt à réduire le temps de formation au lycée pour mettre les jeunes le plus tôt possible en entreprise. C’est une approche vaine qui oublie l’un des enjeux capitaux du Service public d’éducation : la formation d’un citoyen éclairé.
Dans cette perspective, le travail difficile des enseignants doit être reconnu en évitant les remises en question systématiques à la faveur d’une énième réforme.