Référé de la Cour des comptes : une nouvelle attaque contre la voie professionnelle

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Dans sa communication au ministre de l’Éducation nationale, la Cour des compte étrille les lycées professionnels. Sur quoi la Cour s’appuie-t-elle pour dresser un tableau aussi sombre ?


Le lycéen professionnel coûterait trop cher
 
D’abord, le rapport pointe le coût annuel moyen du lycéen en formation professionnelle. Il est plus élevé que celui du lycéen général et technologique (+15 %).
Ce constat est une réalité mais la Cour feint d’ignorer les spécificités de la voie professionnelle : plateaux techniques, diversités des formations et diplômes, PFMP, accompagnement renforcé pour les élèves les plus fragiles. 

Par ailleurs, ses préconisations de regroupement des établissements ne sont pas nouvelles. Déjà dans son rapport de 2015, cette idée était avancée pour tenter de réduire les coûts du lycée en général et du lycée professionnel en particulier.
Pourtant, force est de constater que le mouvement de regroupement s’est accéléré ces dernières années : fusions de LP et de LGT, mises en réseau d’établissements, direction commune pour les petites structures… Les personnels ont très souvent fait les frais de ces fusions.
Cette politique de rationalisation a ses limites. C’est une particularité de la voie professionnelle : il faut accepter que certains lycées proposent des filières spécifiques qui ne peuvent être « raccrochées » à d’autres établissements. 

La Cour juge que l’offre de formation est « trop statique ». Elle prône une « contractualisation entre l’État et les régions d’une programmation pluriannuelle opérationnelle coordonnée de la carte des établissements et de la carte des formations ».
Cette recommandation méconnaît de facto le travail déjà réalisé au sein des CREFOP (Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles). L’adaptation d’une carte plus souple est un enjeu majeur. Localement, les rectorats et les régions travaillent de conserve afin de trouver le point d’équilibre entre les besoins du tissu économique et les exigences du Service public d’Éducation. Même s’il doit être amélioré, ce travail de fond est déjà engagé. Contrairement à ce que sous entend la Cour, nous ne partons pas d’une page blanche.
 

Mettre fin aux corps professionnels spécifiques à la voie professionnelle

Didier Migaud, le premier Président de la Cour, recommande dans son référé de « fusionner les corps des PLP et des certifiés en confirmant la bivalence des enseignants des disciplines générales et en l’étendant au collège ».
Il préconise donc de recréer un nouveau corps… des PEGC. 
Mais sous couvert de lutter contre « le sentiment de déclassement et de manque de considération » des PLP, il s’agit uniquement d’envisager le statut à travers le prisme de l’économie budgétaire.

Les réformes des lycées et l’orientation prise par le ministère ces dernières années ne vont pas dans le sens des idées prônées par la Cour. 
C’est ainsi que le rapprochement voie techno/voie pro souhaité par la Cour est à rebours des évolutions de la voie technologique qui se rapproche de plus en plus de la voie générale.
Au regard du fonctionnement de nos structures et de la diversité des métiers d’enseignants, cette fusion des corps n’est ni réaliste ni acceptable.

Une réflexion sérieuse sur un corps unique du second degré demanderait in fine une refonte totale du système, une nouvelle articulation entre les structures ainsi qu’une redéfinition des finalités des enseignements et des missions des enseignants.
En revanche, le développement de lycées polyvalents est une perspective intéressante à plus long terme car cela facilite les passerelles et pourrait contribuer à réduire les « hiérarchies ».
 
 
Annualiser les obligations de services des enseignants : le vieux rêve libéral

Le référé préconise encore « l’annualisation des obligations de service des enseignants de la voie professionnelle ».
La Cour est favorable à cette mesure pour l’ensemble des enseignants. Elle estime cela « particulièrement nécessaire » dans la voie professionnelle.
Comme souvent, les LP sont considérés comme des laboratoires dans lesquels les futures réformes peuvent être testées…
Il est évident que l’articulation entre le suivi des PFMP et le temps d’enseignement est dans le collimateur de la Cour. Dans cette période de restriction budgétaire pour la fonction publique, nul doute que cela représente une perspective d’économie.

Le risque de détricotage du statut est donc bien réel. Au-delà des difficultés sur le plan pédagogique, la mixité de publics induite par la loi « sur la liberté de choisir son avenir professionnel » a déjà montré certaines incompatibilités entre le statut des PLP et la prise en charge d’apprentis dans une classe d’élèves sous statut scolaire.
La volonté d’annualiser tout ou partie du temps de travail des PLP serait le premier pas vers une remise en cause profonde du statut de tous les enseignants.
 

L’avis du SE-Unsa
 
Ce rapport très technocratique ne prend en compte ni la diversité de la voie pro, ni la réalité des publics et leurs besoins (accompagnement renforcé, formation de proximité,...).
Il considère la voie professionnelle comme une structure non rentable. Cette formation en alternance tente pourtant de résoudre la quadrature du cercle en conciliant missions de service public, rôle social des lycées professionnels et besoins du marché du travail.

Les lycées professionnels évoluent dans un contexte très concurrentiel en particulier depuis la libéralisation du marché de la formation suite à la loi du 5 septembre 2018.
Dans une vision dogmatique et caricaturale, elle n’accepte pas pour les LP ce que l’on accepte pourtant pour les CFA et notamment pour le CFA privés pour lesquels aucun seuil n’est requis pour les ouvertures de classe.  Le rapport nie la responsabilité des entreprises dans la faible diffusion de l’apprentissage en pré-bac et stigmatise des enseignants dont la charge s’alourdit sans cesse au gré des réformes.
Le ministre n’a pas (encore) donné suite à ce référé. Le SE-Unsa veillera à ce que ces dispositions ne soient pas reprises.

Le SE-Unsa revendique la valorisation de la voie professionnelle, la garantie du statut des PLP et la reconnaissance des efforts qui leur sont demandés notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la transformation de la voie pro.

Nous exigeons une égalité de traitement entre les enseignants de la voie pro et les professeurs certifiés. C’est pourquoi nous revendiquons une pondération pour les classes à examen.