Rentrée 2022 en voie pro : entre inquiétudes et perspectives

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Encore une fois, la voie professionnelle est mise en avant dans la circulaire de rentrée. Après une campagne présidentielle où il n’aura jamais autant été question de voie pro, le ministre va poursuivre et amplifier le travail initié par son prédécesseur.
Que peut-on craindre pour nos collègues et leurs élèves ?
 
 
Une énième revalorisation de la voie pro
 
Année après année, le constat est le même : cette voie de formation n’est pas reconnue à sa juste valeur. D’après la circulaire, les parcours sont insuffisamment promus. C’est une réalité mais c’est en partie le résultat d’une promotion démesurée de l’apprentissage par les pouvoirs publics au détriment des formations sous statut scolaire en lycée.
Par exemple, la Semaine des lycées professionnels vantée par le ministre est quasiment passée inaperçue l’an dernier. De fait, les lycées professionnels ne bénéficient pas de la même exposition et des mêmes moyens si ce n’est dans le cadre des Campus des métiers et qualifications. Pourtant, ces derniers ne restent trop souvent que des vitrines qui ne montrent pas la réalité de la majorité de nos établissements.
Par ailleurs, le ministre mise sur le dispositif InserJeunes pour donner mieux à voir ce que deviennent les diplômés de cette voie de formation. Ce téléservice fournit pour chaque formation plusieurs indicateurs afin de cerner les parcours des jeunes en voie professionnelle et leur insertion (taux de poursuite d’études, taux d’emploi des jeunes à la sortie, données sur le parcours des jeunes dans les différentes formations et le taux de rupture de contrats d’apprentissage).
Mais une fois encore, cette ressource est peu connue du grand public et parfois peu connue des acteurs sur le terrain. Il ne s’agit pas de créer toujours plus d’outils. Il convient surtout de s’assurer de l’accès à ces outils, d’en mesurer l’efficacité et d’accompagner les jeunes pour qu’ils se les approprient.
 
Pour le SE-Unsa, il ne suffit pas de se payer de mots et d’empiler des dispositifs pour donner l’impression d’agir. Il faut mettre les moyens d’une politique claire et ambitieuse pour la voie professionnelle. Cela passe par une promotion plus active de cette voie de formation et une revalorisation des personnels sur le terrain.
 
 
Toujours plus de transformation au lycée pro
 
La transformation engagée du lycée professionnel sera poursuivie selon le ministre. Pourtant les ajustements indispensables de cette réforme sont nombreux… Le poids de l’interdisciplinarité, l’empilement des dispositifs tels que le chef-d’œuvre ou la co-intervention ont rendu les conditions de travail plus difficiles et ont conduit à une véritable perte de sens, à l’opposé même des objectifs affichés de la réforme. Le ministre a beau les présenter comme des avancées pédagogiques, rien ne permet d’affirmer que l’impact sur la motivation des jeunes et la réussite du plus grand nombre est réel.
En revanche, les dysfonctionnements et limites de ces dispositifs sont déjà très concrets : faute de moyens adaptés, trop d’établissements continuent à envisager le chef-d’œuvre comme un projet sous l’unique responsabilité de l’enseignement professionnel. Alors même que le ministère pousse à l’ouverture progressive sur un maximum de disciplines, les collègues d’enseignement général n’ont pas toujours leur place dans un projet pourtant à visée pluridisciplinaire. On pourrait multiplier ainsi les exemples de problèmes rencontrés sur le terrain par les collègues et leurs élèves, sur l’aspect pédagogique ou l’organisation de l’évaluation.
 
Pour le SE-Unsa, le déroulement d’une réforme lourde et exigeante sans l’apport des moyens nécessaires n’est plus supportable.
Le SE-Unsa prend acte d’un changement de ton et demande le retour à un véritable dialogue social, respectueux de notre expertise et de la vision à long terme de l’éducation que nous portons.
Le SE-Unsa revendique des moyens à la hauteur des enjeux discutés dans le cadre du comité de suivi.
 
 
L’insertion professionnelle, seul objectif ?
 
La circulaire de rentrée met l’accent sur la formation aux techniques de recherche d’emploi et prône un renforcement des compétences professionnelles en lien direct avec les entreprises. Les liens LP-entreprise sont déjà très forts, qu’il s’agisse des PFMP, des projets tels que les mini entreprises ou les actions autour de l’Économie sociale et solidaire. On pourra toujours les renforcer mais en faire une priorité absolue et presque unique dénote deux choses. D’une part, cela montre une certaine méconnaissance du ministère quant à la réalité du travail effectué en lycée professionnel et d’autre part, cela confirme l’obsession du gouvernement concernant la seule insertion professionnelle à court terme. Elle est certes essentielle mais ne saura être suffisante. Dans les formations initiales sous statut scolaire, il s’agit de former des citoyens et pas simplement d’outiller des futurs professionnels en répondant aux besoins immédiats des entreprises locales.
Dans le même ordre d’idée, l’expérimentation Avenir pro, mise en place dans une centaine de lycées professionnels en 2021-2022, sera étendue. Il s’agit d’une promotion de l’alternance et d’actions d’accompagnement de jeunes lycéens volontaires notamment en faisant intervenir des conseillers Pôle emploi dans les établissements.
Encore un dispositif supplémentaire qui n’a pas été évalué et qui rend encore plus illisible le rôle de chacun, notamment la place des PsyEN. C’est ainsi que dans sa note du 14 décembre 2021 consacrée à l’insertion des jeunes sur le marché du travail, la Cour des Comptes estimait que les résultats des dispositifs généraux d’accompagnement vers l’emploi pour les jeunes étaient modestes et que le dispositif Avenir pro ne pouvait encore être évalué...
Évidemment, l’encouragement de la poursuite d’études est une bonne chose et l’implantation de sections de BTS dans les LP sera une solution pour encourager les jeunes à continuer après le bac.
Toutefois, les modules de poursuite d’études en terminale, loués par le ministre, peinent à se mettre en place. Leur efficacité devra être mesurée et d’éventuels ajustements apportés. En effet, la poursuite en BTS n’est pas une fin en soi. Il faut que nos jeunes s’y épanouissent et puissent y réussir.
 
Le discours du ministre exclusivement centré sur les PFMP et l’insertion professionnelle pourrait faire planer le spectre de la réforme du lycée professionnel proposée par le candidat Macron.
Comme le SE-Unsa le répète depuis de nombreuses années, l’apprentissage n’est pas un modèle que l’on pourrait dupliquer et adopter tel quel n’importe où. Il n’est adapté qu’à une petite partie de nos jeunes qui y trouvent un véritable épanouissement. Toutefois, il n’est certainement pas fait pour l’essentiel de nos lycéens qui ont besoin de l’accompagnement particulier en lycée professionnel et du savoir-faire singulier des PLP qui va au-delà de l’apprentissage d’un métier.