Saisie pour une enquête sur les médecins et personnels de santé scolaire, la Cour des comptes a décidé d’élargir son périmètre d’intervention aux psychologues de l’Éducation nationale. Le sujet initial n’était probablement pas suffisamment dense pour accaparer l’attention de ces fonctionnaires zélés.
Pourtant, malgré une relecture attentive du Code de la santé publique, les psychologues ne font pas partie des professions médicales, ce qui n’empêche pas les rédacteurs de proposer un dispositif de santé scolaire incluant les PsyEN.
Pour vous épargner la lecture de ce fastidieux et redondant rapport, nous avons sélectionné quelques morceaux choisis.
« Les effectifs de personnels infirmiers et d’assistance sociale mais aussi de psychologues ont cru. »
Nul doute que les sources d’information dont dispose la Cour des comptes soient fiables, mais il est difficile de porter crédit à l’accroissement des effectifs de PsyEN alors que les volumes de recrutement n’ont fait que diminuer depuis 2017.
« Pour les assistants de service social et les psychologues, les dotations sont fondées sur les effectifs d’élèves du second degré public et privé, alors que les élèves du privé ne bénéficient pratiquement jamais de leurs services. »
En référence à la circulaire du 28 avril 2017, les PsyEN exercent pourtant bien leurs missions « dans le cadre du Service public d’Éducation ». La Cour des comptes apparaît ici bien mal informée quant à notre périmètre d’intervention…
« Parmi les psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN), seuls ceux du second degré sont concernés par une évaluation interne. L’activité des psychologues du 1er degré ne fait l’objet d’aucune enquête ou évaluation interne. »
Effectivement, ce serait tellement plus simple de contrôler notre activité sur la base de données quantitatives, telles que le nombre de bilans psychométriques réalisés, par exemple. Toutefois, nos missions s’exercent dans la relation et la qualité de celle-ci n’est pas quantifiable.
« Les PsyEN […] ne sont pas sollicités pour remplir l’enquête « santé-social » de la Dgesco et ne font pas l’objet d’une enquête spécifique. L’enquête de la Cour conclut à un processus d’évaluation très relâché. »
Rien de plus normal, puisque nous n’appartenons pas davantage au champ social qu’au champ médical.
« Le MENJ fait porter essentiellement par les personnels infirmiers la prévention en matière de santé mentale des jeunes. Il a laissé de façon surprenante les PsyEN en marge de cette action, alors même que leur recrutement garantit désormais qu’ils ont une formation initiale appropriée. »
Est-ce à dire que les formations initiales donnant accès au DEPS et au DECOP, octroyant le titre de psychologue conformément au décret du 22 mars 1990, n’étaient pas de nature à conférer des compétences à leurs détenteurs ?
« En deçà des heures de présence demandées aux médecins, ASS et infirmiers la définition des quatre heures hebdomadaires consacrées à l’organisation de leur activité se justifie difficilement compte tenu du peu d’heures de présence demandées à ces personnels. La définition de leurs obligations de service met en lumière une conception réductrice de leur travail, particulièrement pour les infirmiers et les PsyEN du 1er degré, dont les missions seraient limitées à la seule présence des élèves. »
Ne serait-ce pas plutôt la stricte délimitation de nos missions à la santé mentale qui serait réductrice ? En effet, nous contribuons par notre expertise à la prise en compte de toutes les dimensions de l’évolution et du développement cognitif, psychologique et social de chaque enfant/adolescent. Nos interventions ont vocation à faciliter l’accès de tous les élèves aux apprentissages, mais également à la culture, à la citoyenneté, à l’autonomie et au « vivre-ensemble », ainsi qu’au développement d’un environnement favorable au bien-être en milieu scolaire.
À l’exercice de ces missions qui se déroulent sur le temps scolaire, s’ajoute « le temps de travail restant », consacré au « secrétariat administratif et la tenue des dossiers, la rédaction des écrits psychologiques (établissements de protocoles, cotation, comptes rendus et interprétation), la préparation des bilans et des réunions de synthèse, la consultation de documentation professionnelle, les activités d’études et de recherche ». Qui, parmi nous, a déjà réussi la prouesse de faire tenir tout cela en seulement 4 heures ?
« Les infirmiers scolaires, les PsyEN ou les ASS pourraient aussi être accueillis dans les CMS[1] pour la réalisation d’entretiens, de visites, de bilans ou de suivis pour les élèves du premier degré, les écoles n’étant pas toujours équipées de locaux adaptés. »
Voici donc la solution proposée par la Cour des comptes pour nous éviter de nous disperser entre les différentes écoles !
Mais l’accès aux psychologues pour tous les élèves fait justement partie de ce qui nous distingue des psychologues en libéral : nous pouvons rencontrer les élèves dans le contexte scolaire, observer leurs comportements là où les difficultés apparaissent, sans que leurs parents n’aient besoin de faire la démarche de se déplacer. Exiger des parents qu’ils accompagnent leurs enfants reviendrait à en perdre la plupart. À moins que ce ne soit précisément cet objectif qui est visé : appauvrir la psychologie à l’École pour accroître l’inégalité d’accès aux services des psychologues… Ou encore pour pathologiser davantage les difficultés scolaires…
Dans ce rapport, la Cour des comptes suggère de revaloriser les rémunérations des médecins scolaires. La contrepartie ? Gérer et piloter le service auquel seraient rattachés infirmiers, assistants sociaux et psychologues ! Le corps des PsyEN a eu notamment pour vertu de sortir les psychologues du modèle pédagogique, nous n’allons pas davantage accepter un modèle médical !
[1] Centres médico-scolaires